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Il devient presque inutile de le rappeler : la crise du Covid-19 a été révélatrices des inégalités sociales et économiques. Elle a également mis la lumière sur la précarité importante dans laquelle se trouvent de très nombreux jeunes en France. Dans ce contexte, plusieurs voix associatives, syndicales et politiques se sont élevées pour demander l’ouverture du RSA aux 18-25 ans, mesure dont la mise en place nous semble également nécessaire et urgente. 

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La crise sanitaire couplée à une crise économique a accentué les situations de pauvreté des moins de 25 ans, largement qualifiée désormais de “génération sacrifiée”. Celle-ci se trouve de fait exclue de la plupart des droits à la protection sociale – la solidarité familiale étant considérée d’office comme principale base de ressources pour répondre à leurs besoins. Ce trou dans la raquette a abouti à un creusement des inégalités générationnelles : d’après l’Observatoire des Inégalités, un peu plus de la moitié des personnes vivant sous le seuil de pauvreté a moins de 30 ans. Par ailleurs, d’après l’UNICEF, il faut compter cinq générations en moyenne pour parvenir à sortir de la précarité. 

Une génération délaissée par les politiques sociales

La montée du chômage, la flexibilisation et l’ubérisation du travail ont particulièrement fragilisé la jeunesse, largement soumise au passage obligé par des stages, services civiques et autres formes d’emplois précaires pour leur entrée sur le marché de l’emploi.

Beaucoup doivent travailler pour financer leurs études, affectant indéniablement leurs résultats scolaires et universitaires. Cela constitue ainsi d’emblée un creusement des inégalités sociales, avant même la première expérience professionnelle.

Or, les jobs d’étudiants, les missions d’intérim ou encore l’accès aux restaurants universitaires qui permettaient une certaine sécurité économique ont été brutalement stoppés avec la crise. Et malgré l’annonce du gouvernement d’une aide exceptionnelle, pour les jeunes les plus précaires, de 200 € pour le mois de juin, ce dispositif ponctuel reste largement insuffisant pour répondre au problème structurel de la pauvreté des jeunes.

Divers travaux ont été menés par ce gouvernement pour aborder la problématique de la précarité au sein de la jeunesse, allant de la stratégie de lutte contre la pauvreté, présentée en septembre 2018 par Emmanuel Macron, à l’annonce par le délégué interministériel de l’époque, Olivier Noblecourt, de mesures – qui n’ont pas encore été mises en application – visant à mettre fin aux “sorties sèches” de l’aide sociale à l’enfance (ASE). Les enfants issus de l’ASE sont de fait souvent délaissés par les politiques sociales une fois la majorité atteinte.

Dans les faits, peu de mesures vont réellement dans le sens d’une plus grande sécurisation des moyens d’existence pour les jeunes, si ce n’est le contraire, comme ce fut le cas de la baisse des APL de 5€ par mois, en 2017.

Le secrétaire d’Etat à la Jeunesse, Gabriel Attal, s’est par ailleurs opposé au renforcement de la protection sociale pour cette tranche d’âge, considérant que cela reviendrait à se placer “dans un esprit de défaite pour les jeunes comme pour l’Etat”[1]. Et celui-ci d’ajouter : “Aucun jeune ne grandit avec les minima sociaux comme horizon”. Un raisonnement faisant résonnance à la logique très paternaliste de “responsabilisation” des plus précaires régulièrement martelée par le président de la République.

Une revendication forte du RSA pour les 18-25 ans dans le contexte de crise

Il existe toutefois un dispositif de RSA spécialement dédié aux jeunes, mais dont les conditions sont plus strictes – il faut notamment justifier d’avoir travaillé au préalable, pour pouvoir le toucher. Dans le contexte de crise, plusieurs personnalités politiques, associatives et syndicales se sont élevées pour demander l’accès inconditionnel du RSA à l’ensemble des jeunes de 18 à 25 ans, afin de leur garantir une sécurité économique suffisante et déconnectée de toute forme de dépendance familiale [2].

Comme l’a pointé Nicolas Duvoux dans sa note du 9 juin dernier pour le think-tank Terra Nova, “Le plaidoyer en faveur de l’ouverture au RSA des jeunes est désormais un enjeu du débat public et de débat au sein même de la majorité parlementaire” [3]. Le chercheur y défend notamment un “RSA automatique” pour ce public, qui serait géré par les Caisses d’Allocation Familiale. Cette mesure se trouve effectivement au coeur des débats, depuis que le confinement a mis en exergue les conditions de précarité extrêmes dans lesquelles vivaient certains jeunes.

Le projet pourrait coûter une moyenne de 5 milliards d’euros [4], “ce qui reste peu en comparaison du plan de soutien de 110 milliards annoncés pour les entreprises” estime Florent Guéguen, directeur de Fédération des acteurs de la solidarité [5]. Un coût par ailleurs sensiblement supérieur à celui du dispositif de Service National Universel (SNU) que le secrétaire d’Etat à la Jeunesse a la charge de mettre en place, estimé autour de 3 milliards d’euros.

Si Gabriel Attal maintient que “l’Etat ne peut se résoudre à un RSA solde de tout compte pour sa jeunesse”, la proposition d’ouvrir le RSA aux moins de 25 ans est pour autant de plus en plus soutenue dans la sphère publique. Il s’agit de fait d’une véritable mesure de justice sociale, permettant de sécuriser une partie de la population qui en a cruellement besoin aujourd’hui.

Ce dispositif pourrait par ailleurs constituer un premier jalon vers la mise en place d’un véritable revenu inconditionnel d’autonomie, pour assurer à toutes et tous la sécurité économique et financière nécessaire à la garantie de conditions de vie dignes.

[1] RSA pour les moins de 25 ans : Gabriel Attal critique un « esprit de défaite » (Ouest France, 26 mai 2020)

[2] TRIBUNE. « Le RSA doit être ouvert aux jeunes de moins de 25  ans » (le JDD, 2 mai 2020)

[3] Coronavirus : Regards sur la crise (Nicolas Duvoux, 9 juin 2020)

[4] Associations et gouvernement s’opposent sur un RSA élargie aux 18-25 ans (Le Monde, 13 juin 2020)

[5] « AVEC UN TAUX DE PAUVRETÉ DE 25 % LES JEUNES SONT LES PREMIÈRES VICTIMES DE LA CRISE SOCIALE » (L’Avant-garde, 25 mai 2020)