Le revenu universel s’installe progressivement au coeur des débats. Les visions commencent à s’affronter et les acteurs politiques comme associatifs se mettent en ordre de bataille. Certains le défendent comme une manière de dépasser le clivage gauche-droite. Une vision pourtant fragile car les projets de société qui en découlent sont pour le moins différents, si ce n’est opposés.
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En France, le débat politique sur la question du revenu de base est relativement récent. Porté depuis plusieurs années par Europe-Ecologie – Les Verts (EELV), puis plus récemment par Génération·s, il a fait l’objet d’un intérêt médiatique certain lors de l’élection présidentielle de 2017, soutenu notamment par le candidat socialiste Benoît Hamon. Toutefois, l’on oublie souvent que cette élection comportait également une proposition d’inspiration libérale, portée par la candidate à la primaire LR, Nathalie Kosciusko-Morizet. Celle-ci était conseillée par l’économiste Marc de Basquiat, co-auteur de la proposition du Liber élaborée avec Gaspard Koenig, fondateur du think-tank libéral Génération Libre. Les deux auteurs ont récemment publié une tribune appelant au débat sur la question d’un “revenu de liberté, mécanisme de solidarité universelle et de résilience”. Cette tribune insiste sur le fait qu’un tel revenu pourrait dépasser le clivage partisan, pouvant rallier très largement sur l’ensemble de l’éventail politique. Cette tribune est toutefois co-signée principalement par des parlementaires de la majorité – LREM – et du centre. Ainsi, si la démarche est certes intéressante par son appel au débat démocratique, son approche selon laquelle le revenu universel serait pas essence déconnecté de toute coloration politique interroge.
L’illusion d’un outil dépourvu d’intention politique
Si le revenu de base universel fait son retour dans le débat, il est facile de constater que les projets de société qui l’accompagnent sont très différents, voire opposés. D’un côté, certains le présentent comme un simple outil économique. Peu importe qui le porterait, le résultat serait forcément positif, tant que les critères sont remplis : universel, inconditionnel, individuel et ne venant pas détricoter la protection sociale.
Un tel dispositif de simplification serait-il pour autant souhaitable, s’il est accompagné de la mise en place de politiques publiques socialement regressives en parallèle ? Les réformes menées par le gouvernement Philippe en sont l’illustration : une loi Travail qui plafonne les indemnités prud’homales de licenciement et supprime des critères de pénibilité au travail, une réforme de l’assurance chômage qui renforce le contrôle et cause l’appauvrissement des plus précaires, une baisse des APL en début de mandat. Sans compter sur les projets reportés en raison de la crise : réforme des retraites qui aboutirait à la baisse des pensions et “en même temps” ouvrirait la porte à la privatisation du système, ou encore projet de revenu universel d’activité (RUA), lequel prévoit de s’appuyer sur un renforcement du contrôle et des sanctions à l’encontre des allocataires des minima sociaux. Dans un tel contexte, un revenu de base reviendrait à donner d’une main pour reprendre de l’autre.
D’autre part, le gouvernement actuel a déjà annoncé qu’une période d’austérité et de sacrifices serait nécessaire – notamment dans l’emploi – pour sortir de la crise. Les risques alors pour qu’un revenu de base constitue une opportunité de faire des économies, sous prétexte de “simplification et rationalisation” du système des minima sociaux, sont d’autant plus importants. Un revenu de base pourrait alors servir ni plus ni moins d’outil à la stratégie du “en même temps”, pour acheter la paix sociale. Et ce, aux dépens des plus démuni·e·s.
Un revenu de base est soit de gauche, soit de droite, mais pas les deux
De façon très intéressante, les idées commencent à s’affronter. Les promoteurs d’un revenu de base visant l’autonomie par la sortie du système capitaliste actuel cherchent avant tout à construire un nouveau contrat social plus juste, permettant de se libérer de formes d’oppression, en particulier du lien de subordination à l’emploi. Ils s’opposent ainsi aux visions utilitaristes, d’un outil neutre, comme mesure pragmatique pouvant être mise en place rapidement.
Du point de vue des militant·e·s de l’idée, la dichotomie est également flagrante. Pour certain·e·s, la priorité est avant tout individuelle. Il s’agit alors d’un revenu qui permettra d’assurer une sécurité économique rapidement pour soi et pour ses proches, ce qui peut être tout à fait compréhensible, d’autant plus dans le contexte actuel. Mais cette approche individuelle oublie souvent d’anticiper les potentielles conséquences socio-économiques et politiques. D’autres en revanche conçoivent le revenu de base comme une mesure de rupture, construite collectivement, débattue démocratiquement, quitte à ce que les débats explorent les possibles sans se borner au seul périmètre d’une réforme socio-fiscale, et que son application ne soit pas immédiate. L’aspiration à une société solidaire où l’abondance ne côtoierait plus aussi indécemment la précarité dépasse alors le désir d’un outil de simplification économique.
Les politiques court-termistes proposant un projet clé en main s’intègrent en outre parfaitement au système néolibéral dans lequel nous nous trouvons et comportent de nombreux risques. Tout d’abord car intégré dans un tel système, le revenu de base ne pourra pas être “juste”. Pour pouvoir l’être, il doit coupler justice sociale et justice fiscale : intégrer des mesures de redistribution des richesses, pour ainsi coupler égalité de revenu avec équité de l’impôt. Cela pourrait passer par la mise en place d’un impôt plus progressif – donc plus juste – la lutte contre l’évasion fiscale, le rétablissement de l’ISF, ou encore la mise à contribution des plateformes numériques – aujourd’hui grandes gagnantes de la crise. Or, ces mesures sont aujourd’hui exclues d’emblée par les actuels responsables politiques. L’autre risque est qu’une proposition économique apportée clé en main peut servir de prétexte pour passer outre un nécessaire débat démocratique. Il s’agit pourtant d’une étape indispensable pour s’assurer qu’il s’agira bien d’une véritable mesure de justice sociale.
Le revenu minimum garanti, première étape vers un revenu universel d’autonomie
Le temps nécessaire à la construction d’un revenu universel émancipateur et vecteur de justice sociale ne doit pas pour autant négliger la nécessité de mesures concrètes et rapides, en particulier en ces temps de crise. Le contexte actuel implique d’abonder largement en soutien des populations les plus vulnérables. Or, nous voyons bien que cette logique de rustine, visant à combler les trous de notre filet de sécurité sociale est foncièrement limitée et dangereuse : des “aides exceptionnelles” – ponctuelles, ciblées et limitées – sont prévues pour les familles précaires (100 à 150€), les jeunes de 18-25 ans (200€ pour les allocataires d’APL), les TPE/PME, les travailleur.ses indépendant.e.s, etc.
Un revenu de base véritablement émancipateur aurait ainsi pu éviter ce grand cafouillis et assurer que personne ne soit laissé sur le bas côté. Mais au-delà de la forme, des mesures auraient aussi été plus efficaces à court terme : augmenter et automatiser le RSA, l’élargir aux 18-25 ans, mettre fin à la conditionnalité des aides sociales notamment. Des propositions portées par le Collectif pour un Revenu Minimum Garanti.
Le temps court et le temps long doivent ainsi être pensés conjointement. De même, il est nécessaire de prendre de la hauteur face aux arguments “pragmatiques et réalistes” sans cesse martelés et qui laissent à penser qu’il n’existe pas d’alternatives au système actuel. En décolonisant nos imaginaires, il sera alors possible de préparer l’après et de construire les jalons nécessaires à la l’élaboration d’une société plus juste, égalitaire et solidaire.
Deux remarques.
En trente ans de politiques néo-libérales, la richesse des 5% les plus riches a plus que doublé. Pourquoi ne pas exiger, afin de rétablir les services publics et leurs effets d’égalité avec une gestion par les usagers et le salarié.e.s, et afin de plus que doublé le montant des minima sociaux, un emprunt ou un impôt sur une part de cet enrichissement ? Le changement de fiscalité, s’il n’est pas inauguré par une mesure forte sera quoi ?
Depuis 50 ans au moins les transformations des moyens de production font que les discriminations de statut divisent les salarié.e.s en multiples statuts alors que la valeur produite peut permettre de garantir le droit au salaire et au travail, donc à l’autonomie et le droit à la formation tout au long de la vie. Il faut, pour cela, consolider le système des cotisations sociales : moins de richesses accumulées en accumulation privée de la plus-valu, plus de socialisation et une gestion démocratique…
Ces réflexions, politiques sur le fond de ces questions ne sont défendues par aucune organisation politique. Comment l’expliquez-vous ?
J’ai défendu le concept d’un Revenu alloué à TOUS les étudiants lorsque je militais à l’UNEF dans les années 1965 – 1967 demandant une « Allocation d’Etudes » sans tenir compte de la situation financière des parents (Inconditionnelle, Individuelle (distribué à l’étudiant(e) et Inaliénable).
Ensuite j’ai milité au PS mais ce concept n’a jamais été pris en compte par la majorité car c’est le travail qui devait donner du Revenu. Seul Rocard ex PSU et Stoléru y était plutôt favorable…
C’est en 2001 que j’intègre « Les Verts » puis EELV et avec un certains nombre (Jean Desessard, Yann Moulier-Boutang, Yves Cochet,…) nous faisons passer ce Revenu Universel dans le programme des écologiste (Congrès de Caen). Pour ma part j’avais nommé ce RB le « REMEDE » (Revenu Economique Minimum d’Existence et de Dignité Emancipateur).
Ensuite j’ai été apporté la « bonne parole » à Nouvelle Donne qui venait de se créer mais le montant du Revenu était dérisoire…
Bref je continu à militer pour ce concept hors parti politique (voir le site) et nous avons co-fondé le MFRB avec une poignée de camarades de gauche de droite, de mémoire : Frédéric Bosqué, Carole Fabre, Marc de Basquiat, Olivier Auber, Amaru M’Bape, Aurélien Vernet…). J’ai même été contacté par Bruno Lemaire (pas le ministre ! le conseiller économique de Marine Le Pen) pour animer une réunion sur ce thème. J’ai évidemment refusé.
Je suis toujours adhérent et de l’AIRE et du MFRB et d’ UTOPIA ou Baptiste Mylondo défend lui aussi ce concept.
Je me situe toujours clairement à Gauche mais à l’inverse de cette tribune, j’estime, comme cela avait eu lieu lors de la fondation du MFRB que des Revenus de Base peut être défendus aussi bien par la Gauche que par la Droite. Son intérêt était d’être trans-partisan
Toutes les expériences qui ont été faites vont dans le sens de la suppression de la misère et de l’émancipation.
Cette position est même défendu maintenant au plus haut niveau par les Chrétiens : Le Pape.
Christine Boutin était, elle aussi assistée par Yoland Bresson (Pdt de l’AIRE) comme NKM a été conseillée par Marc de Basquiat (Pdt de l’AIRE). Elle défendait ce concept en déclarant : Un revenu non pas pour vivre mais parce que l’on vit. Il n’y a pas de citoyen sans Revenu disait aussi Thomas Paine.
Pour terminé je pense que lorsqu’une idée est bonne elle doit être défendue par le plus grand nombre pour avoir un jour la possibilité de voir le jour. L’union fait la force c’est ce qui manque actuellement à la Gauche.