Notre démarche : le droit au revenu, chemin vers l’autonomie

Dans le contexte de crise épidémique provoqué par le COVID-19, la question du droit au revenu s’est inscrite de façon notoire dans le débat public, en France et dans le monde. L’idée a d’autant plus de sens qu’elle permet de questionner la répartition des richesses, le rapport à l’emploi, à sa valorisation et son utilité sociale.

Particulièrement médiatisée au travers des débats autour du revenu universel, il est important de souligner que cette proposition se décline dans des projets de société différents, si ce n’est opposés : certain⋅es, partisan·es de la relance économique, de la responsabilité individuelle, de l’engagement et de l’encouragement à l’emploi défendent une perspective qui se dit pragmatique. Dans un tel contexte, le revenu de base est souvent décrié comme étant une “roue de secours du capitalisme” par ses détracteurs·euses. D’autres pensent qu’il n’est pas possible de résoudre un problème avec les modes de pensée qui l’ont engendré, et souhaitent que rien ne soit plus comme avant, au sortir de la crise. Ou du moins, faire du droit au revenu un levier de changement, un moyen de tourner la page de la domination de l’économie sur les autres pans de la société, pour la replacer au service de la collectivité. Cette vision est portée par celles et ceux qui aspirent à une sortie du système capitaliste pour replacer l’humain et la solidarité au coeur d’un nouveau projet de société, plus juste socialement, fiscalement et écologiquement.

L’un des objectifs du Collectif pour un Droit au Revenu est de contribuer aux débats de cette vision du monde plus émancipatrice et solidaire. Promouvoir des mesures ambitieuses permettant d’ouvrir des imaginaires politiques et de construire des alternatives concrètes à l’ordre néolibéral. Avoir cette perspective de long terme, tout en cherchant à avancer par étapes, en promouvant des politiques publiques visant à améliorer la protection sociale et renforcer les minima sociaux. 

Réinventer le champ politique pour décoloniser les imaginaires

Prisonnières d’un imaginaire capitaliste de la société, les politiques mises en oeuvre depuis nombre d’années s’appuient notamment sur la centralité de l’activité professionnelle, sur une domination de plus en plus forte du secteur privé et sur un objectif prédominant de croissance économique au prix du creusement des inégalités sociales et d’une crise climatique majeure. Cela laisse à penser qu’il n’existerait pas de sortie au système actuel, et qu’il s’agirait en quelque sorte d’une “fin de l’histoire”. Un rétrécissement de l’horizon à travers lequel toute proposition alternative est caricaturée, renvoyée à la dichotomie d’un ancien temps entre capitalisme et communisme ou simplement rejetée car considéré comme  des utopies lointaines et irréalisables. 

Au Chili, à Hong Kong, en France et ailleurs, à l’heure où les peuples se soulèvent pour faire entendre leur désir de justice sociale et environnementale, les adeptes du TINA – There Is No Alternative –  thatchérien restent sur le devant de la tribune médiatique et se font notamment les relais des théories économiques orthodoxes si méticuleusement appliquées et menant à l’oppression des peuples. Il s’agit ici de renverser ces imaginaires pour construire des alternatives souhaitables et rendues possibles par la mobilisation des acteurs associatifs, politiques et citoyens. 

Construire la voie vers l’autonomie

Beaucoup d’encre a coulé pour décrire et imaginer différentes formes de revenus d’autonomie, d’existence, universels, inconditionnels, ou garantis. Il convient de souligner que, loin de constituer de simples outils économiques dénués d’intention, chaque proposition est inscrite dans une vision politique qui lui est propre et entend répondre à des objectifs différents. Ainsi, certaines propositions priorisent la lutte contre la pauvreté et la simplification du système de protection sociale – des arguments souvent formulés sans concerter les publics concernés et pouvant servir de prétexte pour détricoter les filets de protection sociale existants. Nous souhaitons au contraire ancrer le droit au revenu dans un idéal de rupture vis-à-vis du référentiel néolibéral et explorer son potentiel de transformation sociale, économique et politique. Il constituerait alors un véritable droit humain, de refus de la pauvreté et d’émancipation face aux rapports de domination de différentes natures, qu’ils soient de classe, de genre, au sein du couple, de la famille ou de l’emploi. 

Aujourd’hui, la quête de sens de nos sociétés désabusées par l’absence d’avenir collectif se transforme en quête de bonheur individuel et de développement personnel. Le droit au revenu, intégré dans un projet d’autonomie, vise à accorder à chacun·e davantage de liberté dans ses choix de vie et reconstruire des perspectives communes pour l’avenir. En ce sens, il peut constituer un levier pour déverrouiller les structures de domination existantes et engager les rapports de force indispensable à un changement de cap ambitieux.

Nos actions

Nous aspirons à travailler sur ces différents enjeux et préparer la voie démocratique vers un revenu inconditionnel d’autonomie. Le caractère inconditionnel d’un tel revenu nous semble être un enjeu central dans la recherche d’autonomie. En effet, c’est la déconnexion du revenu de toute forme d’injonction qui pourrait aboutir à une forme d’autonomie réelle de l’ensemble des individus. Mais bien conscient·es qu’un revenu dans sa seule dimension monétaire ne peut suffire à l’atteindre pleinement, il est tout aussi capital de réfléchir au projet de société dans lequel nous voulons l’inscrire ainsi que des mesures et des réformes complémentaires qui doivent l’accompagner.

Pour ce faire, nous souhaitons co-construire de telles réflexions et mener ces débats avec différents acteurs associatifs intéressés, élu·es, chercheur·euses et toute autre personne intéressée par le sujet. La promotion de ces échanges se fera par la publication d’écrits, de débats en présentiel et en ligne, par l’animation d’espaces de discussions, entre autres.

A court terme, nous soutenons politiquement des mesures de renforcement de la protection sociale existante, telles que l’automatisation du versement des minima sociaux, l’élargissement du RSA aux 18-25 ans, ou plus largement par la mise en place d’un revenu minimum garanti. De telles mesures permettront d’ouvrir la voie vers un véritable droit au revenu, qui lui, pour être construit de la façon la plus juste, nécessitera un temps plus long pour favoriser la construction démocratique et l’appropriation collective.